Il y a déjà deux ans que je suis devenue Gyaru. Je décris plus bas ce qu'est une gyaru, clique pour voir un exemple de moi-même! C’était la fin de ma première année à l’école des Beaux-arts de Nîmes et je savais déjà dès le début que je voulais continuer ma scolarité à Avignon. Depuis mon plus jeune âge, je suis fascinée par la culture japonaise et la culture d’Internet. C’est sur Arté en 2013, à la télé, que je suis tombée sur un reportage à propos du Gyaru. Chaque rentrée scolaire depuis la 4ème, je regarde des vidéos sur Youtube de ces filles japonaises populaires et stylées qui montrent ce qu’elles emportent dans leurs sacs, comme le nécessaire maquillage, couture, leur encas… espérant un beau jour me transformer en elles. Bien sûr, ce changement n’allait pas se faire sans efforts ni volonté.Et bien sûr, chaque rentrée scolaire était un échec de transformation. Je ne faisais qu’attendre le bon moment pour me métamorphoser, en quelques sortes. En commençant à m’immerger pleinement dans cette contre-culture un ensemble de manifestations culturelles, d'attitudes, de valeurs, de normes utilisé par un groupe, qui s'oppose à la culture dominante ou la rejette seulement dès mon arrivée en L2 à l’ESAA, j'ai appris à défier les normes conventionnelles de la mode, du mauvais goût et du kitsch et à embrasser ma propre identité, apparence avec confiance et audace, et je dirai avant tout que c’était un travail sur moi-même. Je ne pense pas être encore arrivée au bout de cette transformation ; car ce n’est pas qu’un style, c’est aussi une mentalité, une culture, et un mode de vie. Bon, mais c’est quoi le Gyaru, du coup ?? C’est le terme utilisé pour ces jeunes femmes dans les années 1990-2000s qui sont allées à l’inverse des standards de beauté stricts japonais: peau bronzée, maquillée, cheveux décolorés, tenues osées et colorées. Plus tard, le style vestimentaire deviendra moins extrême, plus doux, et les gyaru deviennent trendsetters lanceur de tendances, quelqu’un qui ouvre la voie en matière de modes ou d’idées . Jusqu’à ce que cette mode s’évapore pendant presque 5 ans, pour enfin revenir sous un autre angle en 2019. Comme on le dit si bien, la mode est un éternel recommencement. D’ailleurs, je dirai que je suis presque archéologue. Mon quotidien consiste en somme à voyager dans le temps. Je me plonge dans les vieux blogs perdus de ces filles qu’elles pensaient longtemps disparus, j’archive leurs photos pour me servir d’inspiration de tenues mais aussi car ces sites peuvent disparaître du jour au lendemain. Ca peut bien sûr paraître étrange mais c’est utile ! Je ne suis pas seule à être gyaru hors du Japon, il y a toute une communauté dans le monde entier. Les vêtements se détériorent, se font jeter ou vendre à prix d’or. Les ressources s’effacent peu à peu, alors c’est un vrai travail d’archivage pour maintenir cette culture en vie. Cependant, je me trouve maintenant donc dans une impasse ; je porte des vêtements à la mode d’il y a 10-15 ans, qui ne sont disponibles donc qu’en seconde-main au Japon/vendus par les filles qui ont participé dans cette culture avant moi. Alors, j’importe. J’importe sans cesse. Mes possessions ont bien + voyagé que moi, que ce soit dans le temps ou dans l’espace. Je collectionne. Sans m’arrêter. Des étiquettes de déclaration de douanes, aux cartons, jusqu’aux emballages de serviettes hygiéniques que je trouve mignons, je garde tout. J'importe aussi des sacs de shopping qui sont, pour certains, plus vieux que moi; et que j'achète à ces mêmes filles qui par nostalgie ont gardé ces sacs de leur adolescence, pour les revendre à prix totalement dérisoire 20 ans après à une inconnue en France. Justement, ce qui m'a vraiment motivé à acheter ces sacs, c'est le travail de Sylvie Fleury. Je ne suis pas sûre pourquoi, mais j’ai toujours collectionné tout et n’importe quoi ! Ma chambre, on dirait le travail de Thomas Hirschhorn !!!Appuyer ici pour voir ma collection!!! Je pense toujours avoir été sensible et attachée à ce sentiment de nostalgie presque fictive : un manque d’une époque que je n’ai jamais connue, d’un lieu où je n’ai jamais mis les pieds. L’idée des ruines, des vestiges me hante depuis mon adolescence ; et je crois bien les terrains méconnus, abandonnés me fascinent.urbex Cliquer pour me voir pratiquant l'urbex (urban exploration, explorer des lieux abandonnés) Les modes passées sont également des ruines à leur manière. Chaque décennie a son esthétique bien à elle, ses codes vestimentaires, ses tendances éphémères. Les modes passées sont comme des vestiges d'une époque révolue, témoignant des goûts et des valeurs de la société à ce moment donné. Ces objets de seconde-main que j’importe, c’est comme une clé pour une machine à remonter le temps : chaque vêtement que je porte à son propre vécu, leurs usures bien à eux. Ces articles démodés deviennent des reliques précieuses à mes yeux, des preuves de ma propre histoire mais aussi de l’histoire des personnes qui me les ont vendus. Peu avant ma première année à Nîmes, j’ai monté mon propre PC et ai entrepris un hobby que je poursuis toujours à ce jour, les Gunpla. raccourci de Gundam Plastic Model, construction de maquettes de robots fictifs japonais qui vise un public masculin souvent plus âgé que moi. Ca peut sembler antithétique surtout exprimant souvent ma féminité par mon apparence. Je pense aussi que le contraste entre mes intérêts et la culture Gyaru (qui elle-même rejette les normes conventionnelles) m’a appris à être confortable avec mes propres contradictions, puis c'est marrant aussi, non? Peut-être que vous vous l'êtes dit en arrivant sur mon site: c'est quoi ce design là??? Je me considère comme un « enfant d’Internet » je fais partie de la dernière génération à avoir grandi autant à jouer dehors qu’à l’intérieur, bien que j’étais plutôt casanière. Mon premier ordinateur, qui tournait sur Windows XP, m'a accompagné pendant de longues années et je pense très honnetêment qu'il m'a poussé à devenir qui je suis aujourd'hui. (bizarre de dire ça d'un ordinateur, hein?) Le premier jour de ma rentrée de CP, j'ai annoncé que je voulais me marier à mon ordinateur. Et encore maintenant, Windows XP reste mon système d'exploitation favori, donnant inspiration à mon site. Internet, c’est comme un univers entièrement libre où j'ai toujours trouvé un espace pour exister. La diversité des intérêts et de nos perspectives est célébrée tout autant que moquée; J’ai aussi vécu en première ligne l’évolution des réseaux sociaux, et leur impact sur le fonctionnement de notre génération dans la société, mais aussi son emprise sur nos cerveaux. Je ne vais pas vous mentir, je pense en être bien victime ! Le récent phénomène de « l’influenceur » qu’il vienne de célébrités renommées depuis des décennies (et dans mon cas, j’adore Britney Spears The woman in me et Paris Hilton Paris: The memoir ! Mes reines de la culture populaire ) mais aussi les nouveaux « influenceurs ». Naviguant très quotidiennement entre le vrai/faux de par mon apparence et mon personnage, je trouve un parallèle intéressant entre la réalité et le virtuel. (Generation Z, values, and media: from influencers to BeReal, between visibility and authenticity (Simona Tirocchi), Rise of Social Media Influencers as a New Marketing Channel: Focusing on the Roles of Psychological Well-Being and Perceived Social Responsibility among Consumers (Jihye Kim et Minseong Kim, National Library of Medicine). Dans ce sens, le travail de Cory Arcangel m’intéresse beaucoup. En parlant de ce parallèle entre le vrai et le faux, je trouve amusant qu’une fois que les artifices plastiques que j’attache à mon propre corps me dégoute une fois détachés. Un exemple plutôt marrant ; quand j’enlève ma paire de faux-cils et qu’un d’eux s’égare, vous imaginez même pas ma peur une fois que je le retrouve. Il ressemble tout craché à un insecte, un mille-pattes, une chenille. Les extensions de mes cheveux une fois peignés me dégoutent tout autant. Pour autant, ce n’est que du plastique, mais la simple vraisemblance fait partir la parure en une toute autre vision. Il y a toujours de nouvelles questions que je me pose chaque jour et de nombreux projets que j’aimerai continuer à développer mais aussi pouvoir mettre en place les années prochaines. Je veux faire part de mes célébrations de cultures que j’apprécie tant, que ce soit la culture populaire, la culture internet et la contre-culture Gyaru ; et celles-ci sont tellement riches qu’un travail de toute une vie ne suffira pas...
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